Le concours d’entrée en 1ère année de Sciences Po Paris a eu lieu les 23 et 24 février dernier. Je vous propose aujourd’hui un retour sous forme d’une analyse d’un des deux sujets de composition. (ou qu’est ce que j’aurai écrit sur mon brouillon si j’avais du composer à votre place 😉 )

L’épreuve d’histoire en quelques mots

L’épreuve d’histoire de Sciences po comporte deux sous-épreuves :

  • une composition (dissertation) sur un sujet à choisir parmi deux proposés
  • une étude critique de document(s)

Pour le concours 2019, les deux sujets de composition étaient :

  • La République et la Question sociale, en France (vers 1880 – 1946)
  • Comment sortir de la guerre ? (1944-1947)

L’étude de document concernait les lois constitutionnelles de 1875.

Quelques conseils sur les sujets « déroutants » ou « complexes »

L’intitulé du sujet « Comment sortir de la guerre ? (1944 -1947) » peut dérouter à première vue.

D’abord parce qu’on a tendance à penser que cette question est une question opérationnelle ou politique, qu’ont dû se poser les dirigeants militaires ou politique de l’époque (comment finir au plus vite la guerre?) mais qui n’est pas réellement une question historique. Lorsqu’un sujet d’histoire est posé sous la forme d’une question c’est généralement pour décrire/interroger une transformation (ex. Comment la croissance économique des « Trente Glorieuses » a-t-elle transformé la société française ?).

Ensuite parceque les bornes chronologiques peuvent porter à confusion : en 1944, la deuxième guerre mondiale n’est pas finie (même si la dynamique est clairement en faveur d’une victoire alliée), mais elle l’est bien en 1947. En revanche, 1947 marque généralement l’entrée dans un autre conflit, la guerre froide. Notez bien que le sujet ne s’intitule pas « comment sortir de la 2ème guerre mondiale? ». L’analyse des bornes chronologiques doit donc déjà faire apparaître des questionnements qui vous serviront de base pour la construction de votre problématique.

Ce type de sujet est généralement un excellent moyen de se démarquer des autres candidats. Un nombre important d’entre eux vont se rabattre sur les sujet plus classique, et auront du mal à se démarquer. Je vous conseille généralement de vous attaquer au sujet qui paraît complexe, en particulier parcequ’il va vous forcer à vous creuser les méninges pour interroger et décortiquer le sujet. Quand le sujet parait trop classique, généralement on pense tout de suite au plan, aux connaissances et on oublie de réellement réfléchir et problématiser le sujet. A titre personnel, j’ai passé un nombre très important de concours et j’ai toujours obtenu de meilleurs notes sur des sujets complexes que sur des sujets classiques et trop balisés.


Mon analyse du sujet « comment sortir de la guerre? (1944-1947) ».

Pour l’exercice, je me suis forcé à faire cette analyse de sujet en 30 minutes. Le jury recommande de passer 2 heures 30 minutes sur l’épreuve de composition et il vous faudrait en effet passer 20 à 30 minutes sur l’analyse du sujet, la problématique et une ébauche de plan. Mes réflexions ne sont donc pas un corrigé, et peuvent contenir des réflexions qui ne seraient pas reprises dans votre copie car non alignées avec la problématique. Le but de cet article est surtout de vous montrer tout ce qui peut (doit?) sortir de votre analyse du sujet.

Analyse des termes du sujet.

Comment : comment renvoie à la fois à la question des moyens (quels moyens mettre en œuvre pour sortir de la guerre?) et de la manière (de quelle manière sortir de la guerre? ). En filigrane, on trouve la question de l’efficacité (comment vite sortir de la guerre? comment sortir de la guerre de façon durable? … ). On peut commencer à lister les moyens qui ont été mis en œuvre pour sortir du conflit : militaire (les débarquements, l’utilisation de la bombe atomique…), diplomatiques, économiques (reconstruction, dédommagements, plan Marshall…), ou sociaux, juridiques, en terme de relation internationales (création de l’ONU) , en terme de « mémoire » …

Sortir: Sortir peut recouvrer ici plusieurs sens : 1) mettre fin au conflit (arrêt des combats, signature des traités, démobilisation des troupes), 2) passer à un autre état, celui de l’après guerre, avec ce qu’il suppose : démilitarisation des sociétés, reconstruction sous tous ces aspects (économiques, politique, juridique, voire mentale), 3) sortir peut aussi être compris comme « éviter » au sens d’éviter une logique de guerre comme moyen de régulation des conflits entre états ou idéologies (ce qui ouvre des ponts avec la guerre froide qui se profile et la montée des organismes internationaux).

Le verbe sortir permet également de poser la question des étapes. Sortir d’une guerre ne se fait pas d’un coup, à la signature de l’armistice. En 1946, l’armée est encore mobilisée en France dans le cadre des grèves, en 1947, l’armée rouge occupe de nombreux territoires etc. etc. On a l’arrêt des combats, les signatures des traités, les démobilisations de troupes, les reconstructions etc etc. qui sont autant d’étapes pour la sortie effective de la guerre. On peut d’ailleurs légitimement s’interroger si en 1947, on est ou non sorti de la seconde guerre mondiale.

Guerre: je pense qu’il faut également interroger le terme de guerre. Il peut évoquer plusieurs réalités. L’aspect conflictuel, les combats en sont un. L’aspect juridique en est un autre (être en état de guerre, déclarée ou non). Enfin, de quelle guerre parle-t-on? La seconde guerre mondiale? Inclut on la guerre froide qui démarre? la guerre froide est elle une conséquence d’une « mauvaise » sortie de la seconde guerre mondiale?

Borne chronologique 1944-1947 : en 1944, le rapport de force s’est inversé. L’armée rouge avance. En Europe occidentale, des débarquements ont lieu. Progressivement se pose la question de terminer vite le conflit et les questions de l’après guerre se posent déjà entre alliés alors que les combats ont encore lieu (cf. la conférence de Téhéran fin 1943 acte des décisions de cet ordre). En 1947, alors qu’on n’est pas encore totalement sorti du conflit, le monde glisse progressivement vers une autre guerre.

Problématique

A mon sens, l’enjeu qui se cache derrière le sujet est la question de savoir ce qui fait (ou non) qu’au bout d’un processus avec de multiples étapes étalées dans le temps (arrêt des combats, jugement des responsabilités, reconstruction…), on peut dire (ou pas) que la société ou le monde est sorti de la guerre. Et le paradoxe de la sortie de la seconde guerre mondiale est que toutes les étapes ne sont pas réalisées lorsqu’on bascule dans un autre conflit. La sortie de la guerre se fait par l’entrée dans une nouvelle guerre.

Plan

I) L’urgence de la sortie de la guerre : Gérer les urgences liées aux conflits armés et à l’immédiat après guerre

Expliquer la nécessité de clôturer vite le conflit (volume des pertes civiles, « Solution Finale » à stopper )

Questionner les moyens de terminer le conflit armé rapidement avec les différentes options militaires à disposition et utilisée (ex. utilisation des bombes atomiques), mais également diplomatiques etc.

Les urgences de l’immédiat après guerre (réfugiés, retours des camps de concentration et d’extermination, nourrir les populations etc. etc).

II) La difficile (re)construction des fondations d’une paix durable

Décrire les chantiers de reconstruction à tous les niveaux (économiques, sociaux, juridiques, mémoriels, politiques…) entrepris pour sortir de la guerre et construire des instruments d’une paix durable : reconfigurations territoriales, reconstruction économiques, construction de dispositif de Sécurité sociale, jugements, création d’instances supra-nationales … et en quoi il contribuent à sortir de la guerre. Poser également la question de leur efficacité/difficultés.

III) Vers un nouvel équilibre mondial bipolaire

Le but de cette partie est de montrer comment malgré toutes les initiatives, les réalisations et les avancées vers la paix, on glisse petit à petit vers un nouvel équilibre via la guerre froide.

Qu’avez vous pensé du sujet? quel problématique et quel plan avez vous choisi?


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